Nothing Toulouse : le spectacle d’improvisation détonant sur le Montmartre du XIXème siècle
Il y a une semaine, nous rencontrions Patti Stiles, marathonienne de l’improvisation à l’origine de Nothing Toulouse, dans un café. Grande blonde très souriante, elle nous expliquait ce qui l’avait poussée à créer un spectacle sur le Montmartre du XIXème mais aussi comment une représentation improvisée est préparée. Dimanche dernier, nous sommes allés à l’avant première de ce soap opéra détonant, qui se produira tous les dimanches jusqu’au 11 juin sous forme de série théâtrale. On vous raconte.
Professeure au sein d’Impro Melbourne, première compagnie d’improvisation et de théâtre spontané depuis 1996, mais aussi à son propre compte, Patti Stiles a déjà de très nombreux spectacles à son actif. Pour Impro Melbourne, elle a précédemment créé des spectacles sur la Rome ancienne, sur l’Espagne, sur le fameux Grand Budapest Hotel de Wes Anderson, et même sur la Petite Maison dans la Prairie. Avant ça, formée par Keith Johnstone au théâtre Loose Moose (Canada), elle a participé à des spectacles et concours d’improvisation dans le monde entier, donné des conférences et joué en improvisation pendant…53 heures d’affilée ! Véritable marathonienne de l’improvisation, Patti a choisi de consacrer son prochain spectacle pour Impro Melbourne au Montmartre du XIXème siècle, après un voyage à Paris – c’est de là qu’est né Nothing Toulouse.
Montmartre au XIXème siècle : un fourmillement d’idées et d’histoires
« Montmartre au XIXème siècle c’est une période incroyablement riche en histoires. Ça comprend d’abord des individus très différents : il y a les ouvriers et fermiers d’un côté; de l’autre, les artistes qui s’installent dans le quartier car les prix y sont abordables et leur permettent de créer puis d’échanger leurs idées, et enfin les bourgeois qui s’installent dans le quartier pour bénéficier de la créativité des artistes, » explique Patti. C’est un mélange de vies, de statuts sociaux qui se concentrent tous autour d’une communauté artistique. Du point de vue de la période, il s’agit d’une révolution artistique mais aussi d’une collusion d’idées et d’idéologies : on construit le Sacré Coeur, la Tour Eiffel, le cabaret est très populaire tandis que la religion conserve une grande importance. « La plupart des gens se référent uniquement au Moulin Rouge pour illustrer cette période, alors que c’est bien plus que ça » souligne-t-elle. Ce que veut aussi montrer Patti, c’est le rapport paradoxal à l’art et à l’artiste entretenu par la classe bourgeoise : selon elle, les personnes fortunées n’accordent pas de valeur à l’artiste, alors qu’elles sont prêtes à dépenser des milliers pour leur oeuvre. « Un phénomène encore bien d’actualité aujourd’hui, avec le streaming par exemple« .
Un spectacle d’improvisation, comment ça marche ?
Construire un spectacle d’improvisation, c’est malgré tout synonyme de préparation pour s’imprégner de la thématique. Après des mois de recherches sur le Montmartre de l’époque, Patti a demandé à ses comédiens de se renseigner sur le sujet; ils ont ensuite réuni les informations tous ensemble et créé des personnages. Les différents personnages ont improvisé quelques scènes ensemble pour s’assurer de la cohérence de leur rôle et avoir une base. Au moment du spectacle, ils n’ont pourtant rien préparé : après s’être présentés un à un, c’est Patti qui se charge d’introduire un synopsis sur lequel les comédiens doivent improviser – « Eloise attend son père au café » par exemple. Elle met aussi fin à la scène dès qu’elle le souhaite afin d’apporter un certain dynamisme à l’ensemble.
Qu’est-ce que ça donne ?
Le cas de Nothing Toulouse est un peu particulier car il s’agit d’un soap opera : chaque semaine, pendant plus d’un mois, le spectateur suivra les aventures improvisées des personnages comme une série. Venir à une représentation trois semaines après le début ne représente cela dit aucun problème, puisque l’histoire est toujours résumée par Patti au début du spectacle. Nothing Toulouse comprend sept personnages principaux et de nombreux personnages secondaires. Parmi les principaux, on compte madame de Beaujolais, propriétaire du Chat Rouge – un mélange entre Chat Noir et Moulin Rouge – , Claire de Lou, une anglaise (très) curieuse, Henry, un artiste, un autre artiste italien et sa fille (Éloïse), monsieur Yoplait qui veut devenir danseur, et finalement un psychiatre sollicité par la bourgeoisie de Paris. On retrouve aussi un chorégraphe de Cancan, de nombreux danseurs, monsieur Eiffel et même un accordéoniste qui joue des musiques de l’époque tout au long du spectacle !
Un casting pour le moins prometteur qui ne nous déçoit pas… Le chorégraphe passionné s’enthousiasme devant des danses volontairement un peu gauches et nous offre une belle séance de Cancan, Claire de Lou pose des questions à n’en plus finir, et Éloïse se révèle être finalement amoureuse de monsieur Eiffel. On rit au fil des scènes qui s’enchaînent à un rythme effréné, toujours plus impressionnés par le jeu des acteurs et énergisés par cette troupe aux milles ressources. Les deux heures de spectacle, entrecoupées par une entracte – et des petits fours – passent à une telle vitesse que l’on s’impatiente de finir la semaine pour en voir plus.
Éloïse restera-t-elle avec monsieur Eiffel ? La suite au prochain épisode…
Elise Mesnard